Histoire

1821

Pierre Moyard et son épouse Henriette s’établissent à l’ombre du château de Morges. De leur union naissent Jules, qui exercera la profession d’ébéniste dès 1827, Jeanne, qui deviendra décoratrice et Louise-Henriette.

1848

Cette dernière donne naissance à un fils, Jean-Henri. Sa tante Jeanne et son oncle Jules lui transmettent les secrets de leurs arts.

1908

Son fils Henri reprend le commerce familial, après avoir fréquenté des écoles spécialisées à Paris et travaillé trois ans dans les meilleurs ateliers de la Ville Lumière.

1930

Henri Moyard couronne ses efforts en acquérant ce qui fut, au XVIII siècle, l’Hostellerie des Trois-Rois, un édifice sis au 83 de la Grand-Rue.

1945

Ses filles Edmée Winkler-Moyard et Nelly Guignard-Moyard reprennent le flambeau, aidées en cela par leurs époux Fritz et David, respectivement maître tapissier-décorateur et ébéniste.

1964

Une fois ses études et stages terminés, Jean Winkler rejoint l’entreprise qui se transforme en SA en 1969.

2004

Mathieu Winkler, représentant de la septième génération, intègre l’entreprise familiale après des études économiques et un diplôme d’architecture d’intérieur.

2014

En plein cœur de Morges, trois maisons du 18ème siècle sont consacrées à l’art de l’habitat. Quant aux ateliers où les artisans de Moyard – ébénistes, polisseurs, tapissiers-décorateurs et courtepointières – pratiquent leur alchimie de la beauté, ils se trouvent désormais à la Rue de Lausanne.

 

Un goût de l’esthétisme tissé par sept générations

Entre ses mains, deux cadres de verre préservent des images d’un autre temps. Des photographies en noir et blanc qui témoignent de toute une descendance. Le regard complice, Jean Winkler fixe ses aïeux comme s’il les découvrait pour la première fois. « Regardez là, c’est mon grand-père Henri et ma grand-mère Edmée avec un long tablier. Elle tient ma mère dans ses bras devant le magasin Moyard ». Un grand-père tapissier comme l’était son arrière-grand-père, comme l’était son arrière-arrière-arrière-grand-père Pierre Moyard. Le premier d’une longue saga familiale de sept générations. Dans son bureau recouvert de bois, un mandala sur un mur, un tapis de souris Harley-Davidson sur la table, Jean Winkler a conservé le permis délivré par la municipalité de Morges en 1821. La trace des débuts de l’entreprise. De cet artisan venu de Préverenges, Jean ne connaît que peu de choses. Les souvenirs se sont envolés au fil des générations. Reste ceux d’Henri, son grand-père qui a repris le commerce en 1908. « Je l’ai connu jusqu’à l’âge de 5 ans. Je me souviens avoir été sur ses genoux. C’était un moustachu, passionné de timbres et de tir. Il avait fait ses écoles à Paris. J’ai encore sa médaille d’or de la Société des architectes ! ». A l’époque, Moyard n’était qu’un petit atelier où l’on restaurait les meubles, où l’on confectionnait des matelas. Henri avait voulu acheter le local situé à côté du Musée Forel. Au vu du refus du propriétaire, l’artisan était parti s’installer à la rue Centrale 14. « En 1930, il a fini par acheter l’Hostellerie des Trois-Rois à la Grand-Rue 83 où nous sommes actuellement. Il a beaucoup développé le commerce. Il faut dire qu’avec ses relations nouées en France, il était connu pour son savoir-faire ». Jean a vécu dans ce bâtiment. De cette enfance, il se souvient des dîners à table partagés avec les ouvriers des ateliers. Celle qui allait reprendre les rênes n’était autre que sa mère, Edmée Winkler. « Une femme de caractère », comme le relevait son hommage dans le Journal de Morges à son décès en 2002. C’est que cette dame aux joues généreuses n’a jamais reculé devant l’effort, ni craint de diriger à une époque où la gent féminine se faisait discrète. « En 1930, elle est partie à Bâle faire des études de commerce, raconte Jean. Elle aurait peut-être choisi autre chose. Mais elle devait reprendre le magasin. C’était comme ça. Et elle s’est faite à l’idée ». En 1945, elle reprend officiellement Moyard, alors que sa sœur Nelly y travaille comme couturière. Tapissier de métier, son mari, Fritz, gère l’atelier. « Ma mère avait la bosse du commerce. Elle était à l’avant-garde lorsqu’elle a développé les meubles de style, puis agrandi le magasin ». A l’âge de dix ans, Jean déménage dans un immeuble de l’Avenue Coderey construit par ses parents. De la Grand-Rue où il jouait et découpait aux ciseaux quelques fauteuils entreposés, le « petit Moyard » – comme on l’appelait – se retrouve quasi à la campagne sur les hauts de Morges. « Depuis ce moment, ma sœur Elisabeth et moi, on n’a plus beaucoup vu nos parents. Il y avait tellement de travail, et les factures à terminer le soir. C’est notre grand-mère qui nous a élevés ». Mathieu, le fils de Jean, n’a jamais oublié sa grand-maman. Celle, qui avec la sincérité d’une travailleuse, avait vendu une lampe connue de la marque Artemide en expliquant à son client qu’au-delà de l’évident esthétisme de l’objet, ce megaron grillait assurément tous les moustiques prêts à s’y poser. Ce sens de la vente s’était infiltré dans les gènes de Jean Winkler. « Je me suis aussi fait à l’idée de reprendre le magasin. C’était en 1964, après mes études d’HEC. Moyard occupait désormais trois immeubles. J’ai développé les meubles contemporains et avec ma mère, on a tout transformé ». Mathieu s’est greffé récemment au fil tissé depuis 1821. « Tôt ou tard, je me dis que ce lien générationnel s’arrêtera, analyse Jean. C’est clair, je suis content que mon fils soit là. Mais ça n’aurait pas été un problème qu’il ne veuille pas ». Jean n’a pas juste laissé le libre choix à ses deux filles, Sophie et Véronique, et à son fils. Il l’a cultivé. Pour Mathieu devenir designer architecte d’intérieur était donc une vocation. Certes, dans un terreau propice à cet amour du meuble. « Georges, c’est l’artiste. Il était l’architecte d’intérieur de Moyard durant des décennies. Il m’a toujours raconté pleins d’histoires sur les meubles. Je pense qu’il m’a donné l’envie de faire ce métier, confie Mathieu. J’imagine aussi que ma grand-mère serait très heureuse de me voir dans le magasin. Pour moi c’est une fierté d’avoir un tel héritage. Aujourd’hui, j’ai développé encore plus le contemporain. J’essaie d’apporter un aspect artistique fort en créant des expositions. Mais je pense aussi à tous les artisans de ma famille, et cela me donne beaucoup d’énergie pour faire perdurer notre savoir-faire ».

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Collaborateurs

Nicole Steinmann
Décoratrice
Garry Chételat
Menuisier - Monteur
Yves Bally
Tapissier - Décorateur
Pierre Lukaszewski
Directeur financier
Manuel Rojano
Ebéniste
Patrick Jeanrenaud
Décorateur
Sylviane Oggier
Courtepointière - Tapissière
Marc Layot
Menuisier - Monteur
Jean Winkler
Direction
Lucy Baumgartner
Secrétaire
Sylvie Duvoisin
Comptable
Margaux Trepsat
Architecte d'intérieur
Mathieu Winkler
Direction
Anne Fernandez-Mivelaz
Courtepointière - Tapissière
Ramona Folch
Architecte
Jonathan Chenot-Lopes
Apprenti
Jason Cochrane
Menuisier - Monteur